Fill-In – étoilements chorégraphiques

Une chorégraphe, une historienne et un photographe se réunissent pour vivifier l’empreinte des danseurs forcés à l’exil dans l’Allemagne des années 30.La pièce questionne la place du corps dans l'expérience de l'exil et résonne avec les destins des "déplacés" d'aujourd'hui : 

"Le danseur exilé, immigré, déplacé, ne se sent plus "chez lui" qu'au travers de la danse : quand il ne nous reste plus rien, il nous reste le corps"  Marilén Iglesias-Breuker

La richesse des traces iconographiques est la source d’inspiration de la chorégraphe Marilén Iglesias-Breuker. Dégageant les intentions du mouvement que l’instant capté permet d’entrevoir, elle réincarne une danse où « l’étoilement » du corps est présent, à la fois fêlure et qualités simultanées se propageant à partir d’un point.  

Laure Guilbert, historienne, rassemble depuis plusieurs années les traces dispersées des danseurs allemands et autrichiens exilés et collecte un corpus qui lui permettra à terme de publier un livre sur l'histoire collective de ces artistes. Des documents extraits de sa recherche éclairent les destins de ceux qui sont restés dans l’ombre de l’histoire.

La relecture dansée de ces images captée par le photographe Alain Julien qui propose une réactualisation de l'iconographie d'archives les situant dans un aéroport, un des endroits où transitent les exilés d'aujourd'hui.

EXIL et DANSE

Emergée des recherches des années 1910 en Allemagne, la danse d’expression se poursuit dans le magma fertile des artistes exilés en Suisse pendant la Première Guerre Mondiale puis se structure dans les années 20. Dès l’arrivée du nazisme, elle devient un enjeu de propagande utilisée comme un étendard d’une modernité « germanique » et de vitalité artistique. Si nombreux se compromettront, une minorité sera contrainte à l’exil. Artistes, juifs, communistes ou socialistes, leurs destins resteront dans l’ombre de l’histoire. Ils ont pourtant tous été des vecteurs vivaces de la transmission et du développement de la « danse d’expression » de par le monde. 

Diaporama - Photos et Montage d'Alain Julien

Avec le soutien du Centre National de la Danse et de l’Institut Français, Laure Guilbert a pu commencer à suivre les destins et les transmissions artistiques de quatre danseurs-chorégraphes entre les années 1930 et la période de l'après-guerre. Trois d'entre eux, Tatjana Barbakoff, Paula Padani et Renate Schotellius, exilés, passablement oubliés de l'historiographie de la danse moderne européenne, ont été porteurs de la tradition moderne en France, en Suisse, en Palestine et en Argentine. Le quatrième Harald Kreutzberg, doté d'une aura encore aujourd'hui, fut acteur de ce même courant dans l'Allemagne hitlérienne. 

Leurs parcours traversent et redessinent une cartographie de la transmission de la danse d’expression en Europe et dans le monde. Car, même si les parcours individuels s'opposent, les semences artistiques semblent se croiser sans pour autant se contredire. 

Ce sont ces notions communes qui apparaissent dans le travail des uns et des autres que Marilén Iglesias-Breuker aborde sous le nom d’ « étoilements chorégraphiques ». Elles partent d’un même point pour irradier dans différentes directions tout comme la danse de cette époque partait dans des « doubles tensions » mettant en jeu différentes qualités dynamiques et spatiales de façon complexe et simultanée.

Concept, chorégraphie : Marilén Iglesias-Breuker
Apports historiques : Laure Guilbert
Conseil Artistique : Luc Petton
Photos/Diaporama : Alain Julien
Lumières : Hervé Lonchamp
Interprétation et recherche en studio : Karima El Amrani et Aurore Godfroy

Production : Cie Marilén Iglesias-BreukerCréation en résidence au Laboratoire Chorégraphique de Reims, à Césaré et au Tanzarchiv de Cologne. 
 Avec le soutien de la Ville de Reims, de la Région Champagne-Ardenne et du Département de la Marne. En partenariat avec le Studio 11 de Cologne.
Remerciements à l’aéroport de Paris Vatry.

Fill-In signifie le procédé photographique permettant de déboucher les ombres, c'est également le terme employé pour compléter un formulaire. Le terme évoque ainsi le rééquilibrage voulu entre des artistes surexposés et d'autres dont les carrières ont subi la césure de l'exil. Il fait également référence aux interminables questionnaires liés aux migrations auxquels les danseurs ont dû répondre. Le sous-titre "étoilements" réflète à la fois l'acte dansé et la condition de l'exilé. C'est aussi une métaphore pour une forme de danse qui a essaimé de par le monde.